Omar Aktouf

Les transformations économiques et sociales en marche : Implications sur les citoyens, les parents et les éducateurs

Compte rendu de l'activité du 16 novembre 2011

Conférencier invité : M. Omar AKTOUF, professeur aux HEC (Montréal)

Il n’est pas facile de réaliser la synthèse d’un exposé aussi riche que celui présenté par le professeur AKTOUF le 16 novembre dernier à l’occasion de la conférence publique organisée par la SROH.

En bref, notre conférencier a cherché à éveiller nos consciences à la « duperie », non seulement celle qui nous est imposée au terme d’un savant processus d’influence, mais également celle à laquelle nous adhérons par ignorance ou aveuglement volontaire pour préserver nos intérêts à court terme.

De Aristote à Stiglitz, sa conférence imprégnée d’érudition et parsemée de références philosophiques, économiques, financières, politiques, culturelles et écologiques nous invite rien de moins qu’à une remise en question de l’individualisme découlant du capitalisme financier. Cette forme de capitalisme est à la source des nouveaux repères qui dictent la conduite du management et qui inspire les orientations de nos institutions.

Par ses propos, le professeur Aktouf nous a permis de comprendre comment l’évolution du rôle de l’économie en passant de l’apport des facteurs de production (capital et main d’œuvre) aux impératifs de la financiarisation a transformé nos sociétés non seulement au niveau des échanges (notions de biens publics et biens privés) mais également au niveau des valeurs qui animent les citoyens.

Si, par exemple, le travail d’un cordonnier artisan visait à l’origine à concevoir une chaussure confortable et durable, l’impulsion du capitalisme financier a plutôt incité à le fabriquant à maximiser le profit à réaliser dans le processus de fabrication, ce qui lui permet d’actualiser les flux monétaires anticipés pour avoir accès à des sources de fonds dans l’immédiat.

Ce processus d’abstraction crée une forme de déconnection alors que se substitue à la valeur intrinsèque des choses celle de l’argent. La notion « d’argent » est très pratique et nous laisse croire que son accumulation peut-être infinie. Alors que notre appétit pour les chaussures finira par atteindre un plateau, notre goût pour l’argent, lui, semble insatiable.

L’idée ici, pour le professeur Aktouf, n’est pas de renoncer à l’argent comme moyen d’échange mais de remettre en cause cette abstraction qui fait en sorte que le système financier évolue de manière autonome sans égard à la réalité humaine, sociale ou écologique.

Le consommateur constamment attisé par la convoitise ne dispose pas toujours des liquidités pour concrétiser ses aspirations. L’accès au crédit devient indispensable pour maintenir le rythme même si ses conditions d’emploi ne sont pas assurées. Le système financier pour réaliser profits et bonus doit prêter, investir ou spéculer et avoir accès à des ressources financières. Les crises de 2008 et de 2011 (notamment en Europe) ont obligé les gouvernements à renflouer les institutions afin que la roue puisse continuer à tourner.

Le paradoxe est que le renflouement oblige maintenant les gouvernements à se serrer la ceinture, reléguant ainsi les générations actuelles et futures à des décennies perdue, et ce malgré les sommes colossales de nouveaux billets imprimés. Dans ce processus de resserrement à nous assistons à l’effritement accéléré de la classe moyenne avec beaucoup plus de pauvres et un peu plus de très riches.

En résumé, la connaissance et la réalité font parfois mal à court terme. Les rêves, les illusions et la consommation effrénée peuvent également servir d’anesthésie pour faire oublier l’insatisfaction de notre condition humaine. En l’absence de culture, l’humain est quelque fois relégué à une machine à consommer qui doit, pour ce faire, s’approprier des richesses de la nature sans égard aux impacts environnementaux à moyen et à long terme tout en restant sourd ou aveugle face à la souffrance pouvant être engendrée par sa «soif» et son «appétit» dans de lointaines contrées.

À la SROH, nous reconnaissons que l’affranchissement de la « duperie » n’est pas chose facile mais nécessaire pour ne pas subir les contrecoups du dysfonctionnement d’un système déconnecté de la réalité humaine. Pour nous, l’un des points de départs pour l’amorce de cet affranchissement est la prise de conscience, la connaissance, la compétence et l’action en parallèle avec la consolidation des liens d’appartenance familiale.

Les propos du Professeur Aktouf constituent une invitation à la réflexion, à distinguer l’accessoire de l’essentiel, et à comprendre de façon plus profonde les enjeux sont en voie de transformer notre société et ce, afin que nous puissions faire partie de la solution et non du problème.

Rédigé par P. Luc DUPONT, président, Cette adresse courriel est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.