Compte-rendu de la table ronde du 21 octobre 2015
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Les auteurs du nouveau numéro de Psychologie préventive et le public ont eu une occasion privilégiée d’échanger lors de cette activité. C’est dans une atmosphère conviviale que plus d’une quarantaine de personnes de différents horizons, enseignantes, éducatrices à la petite enfance, parents, grands-parents et jeunes professionnels, ont réfléchi sur trois thèmes qui les interpellent :
1. Entre socialisation et scolarisation, quelle est la mission éducative de la maternelle?
2. Comment créer des passerelles entre les générations pour favoriser le transfert de connaissances et d’expérience?
3. Quel est le rôle de l’intelligence émotionnelle pour équilibrer ses émotions dans un contexte professionnel?
Parents et enseignantes ont d’abord souligné le stress vécu par les jeunes enfants face aux attentes des adultes qui les entourent et aux exigences du milieu scolaire. Une enseignante de maternelle a raconté qu’elle observe de plus en plus d’enfants qui manifestent de l’anxiété. Celle-ci se traduit chez plusieurs par le recours à des toutous, alors que d’autres sucent leur pouce. Pour les aider dans leur cheminement sur le plan personnel, parents, éducatrices, enseignantes doivent accompagner les enfants et leur faire découvrir :
• quels sont les stimuli à l’origine des réactions et des émotions qu’ils vivent et
• ce qui les motive à s’engager dans l’action afin qu’ils soient fiers d’eux-mêmes.
Il est aussi essentiel de les amener à constater à travers des actions de la vie de tous les jours à la maison et à l’école qu’ils ont la capacité de faire des efforts pour devenir de plus en plus habiles sur les plans moteur, social, affectif, langagier et cognitif.
Parmi les situations de la vie quotidienne qui ont été évoquées, une enseignante de maternelle a rapporté que plusieurs enfants éprouvent des difficultés à tenir un crayon. La professeure Johanne April a expliqué que c’est d’abord à travers le jeu et des activités faisant appel à des mouvements des doigts, du poignet et du coude qu’il est possible de développer, chez l’enfant, la coordination et le tonus musculaire nécessaires pour qu’il soit en mesure de tenir adéquatement un crayon. Il devient ensuite possible de lui proposer de prendre le crayon et d’apprendre à écrire.
Or, de nos jours, on observe une tendance dans les programmes pédagogiques de la maternelle à accorder moins de place au jeu et à adopter une approche centrée sur des apprentissages plus formels, dans le but de préparer les enfants à l’école primaire. Pourtant, une étude a déjà démontré qu’une approche centrée sur le développement global a des effets positifs au secondaire, car elle favorise, entre autres, la créativité et l’initiative, qui sont des habiletés de base essentielles tout au long de la vie. Ainsi, selon la professeure Hélène Larouche, il est important de laisser une grande place au jeu et à l’activité spontanée de l’enfant à la maternelle, car ils lui permettent de développer des compétences qui contribuent à le préparer à la construction de son avenir. Hélène Larouche a aussi insisté sur l’importance de considérer l’enfant comme un acteur social.
Un second thème a fait l’objet d’échanges lors de la table ronde. Prendre sa retraite est généralement une décision qui est le fruit d’une longue réflexion. Malgré le départ du milieu de travail, plusieurs personnes retraitées ou sur le point de l’être ressentent le besoin de partager le bagage de connaissances et d’expériences accumulées au fil des années. Pierre de Serres, un ingénieur motivé à partager avec les plus jeunes ses connaissances et son expérience alors qu’il est à l’aube de sa retraite, a présenté une expérience vécue à titre de formateur dans son milieu de travail. Il a expliqué comment il a suscité la motivation des apprenants tout en évitant de créer un fossé intergénérationnel entre eux et lui. Il a insisté sur la nécessité de puiser à la fois dans ses compétences humaines et techniques pour former la relève.
Enfin, un troisième thème a été abordé par Micheline Létourneau, psychoéducatrice travaillant auprès des jeunes et des familles en difficulté. Elle a présenté une situation vécue qui illustre le rôle déterminant et les retombées de l’intelligence émotionnelle sur les plans à la fois personnel et professionnel. Elle a ainsi exposé une démarche concrète qui aide à découvrir et comprendre les émotions vécues lors de défis rencontrés au travail, et expliqué comment cette démarche contribue au développement de l’intelligence émotionnelle.
Certains consensus se dégagent de l’ensemble des discussions. Notamment, il est essentiel de tenir compte de la globalité de l’être humain, en accordant une attention particulière à la compréhension de ce qui est vécu sur le plan émotionnel autant chez les enfants à l’éducation préscolaire que chez les adultes dans les relations interpersonnelles et intergénérationnelles en contexte professionnel. De plus, la table ronde a mené à la formulation d’une recommandation : l’intelligence émotionnelle et le renforcement de l’identité humaine sont des éléments de base qui devraient faire partie de la formation des futures enseignantes et des éducatrices à la petite enfance. Il est intéressant de constater que les participants et les auteurs se sont réjouis de la possibilité offerte par cette rencontre de partager et de réfléchir ensemble aux actions qu’ils posent. Plusieurs ont affirmé que les échanges ont suscité chez eux motivation et énergie pour poursuivre leur engagement dans l’action.
Denise Normand-Guérette, Rédactrice en chef, Psychologie préventive